Grrrnd Zero 9 ans, tremplin en amiante et parachute doré (manifeste GZ 2013)
Grrrnd Zero est né il y a maintenant 9 ans autour d'un gang d'individus affamés de musiques impossibles qui, lassés par l'absence de lieux adaptés à leurs penchants, décidèrent de squatter un bâtiment vide appartenant au Grand Lyon.
Depuis cet événement inaugural, nous avons poursuivi le même objectif : bâtir un abri stable, préservé de la précarité perpétuelle subie par la majorité des lieux d’activités alternatives, tout en sauvegardant notre part d’autonomie. Nous soutenons ainsi qu’il est possible d’élaborer collectivement une politique en funambule, entre négociations pragmatiques avec les pouvoirs publics et refus des compromis quant à nos contenus et nos modes de fonctionnement.
Aussi, à la veille de notre prochaine transhumance, il nous faut donc faire le point, expliquer où en est GZ et le chantier qui s'annonce.
Principes
1/ Soutenir au travers d’un lieu les pratiques indépendantes / expérimentales / alternatives / bizarres / underground.
D’une part en hébergeant et en accompagnant des évènements proposés par de multiples organisations. Certes, on s’est beaucoup concentré sur les concerts, mais on compte bien s’ouvrir davantage aux projections, expos, soirées de soutien, bouffes, etc.
D’autre part en fournissant des espaces de travail (des locaux de répétition, des bureaux pour des activités militantes, de l’édition, de la photo, du dessin, de la couture, de la robotique, etc.), à l’année ou pour des périodes spécifiques.
On joue aux désinvoltes, mais au fond, le but, c’est d’esquisser une communauté et de se sentir un peu plus que tout seul. Même si c'est pour mieux s’entre-déchirer à la veille de l'apocalypse agroalimentaire.
2/ Faire que ces activités partagent avec nous une forme d'éthique.
Baratin - Ouverture ! En proposant des tarifs accessibles (entrées de prix libre à 10e max, possibilité d’assister aux concerts même si l’on manque d’argent, boissons à prix décents), en organisant des soirées mêlant les genres, et en mettant en place une propagande conquérante ne s’adressant pas uniquement au petit cercle des convaincus. GZ est de plus une structure participative : les gens qui s’y rendent sont invités à s’impliquer activement dans le projet. Certains imprudents ayant accidentellement passé un coup de serpillère se sont retrouvés enrôlés à vie. Le processus d’initiation peut sembler long et énigmatique, mais on essaie de s’améliorer.
Censure - Exigence ! La programmation s’élabore sans contraintes commerciales. Ça peut sembler un peu naïf ou faussement revendicatif, mais pouvoir se regarder dans une glace après chaque soirée est un luxe que peu de lieux peuvent économiquement se permettre. On programme ce qu’on aime, et comme on a tous des goûts assez différents, on espère que le résultat n’est pas trop snob ni sectaire. Au delà des choix esthétiques, on entend défendre des cultures s’inscrivant en dehors des logiques de profit et selon les démarches fulgurantes, d'entraide et autonomisantes du faire soi-même (DoItYourself).
Laxisme - Bienveillance ! Refus de prendre le public pour des vaches à lait ou pour des psychopathes : pas de sortie définitive, pas de service de sécurité privé, droit d’amener ses boissons, confiance dans la responsabilité de chacun. On ne nie pas les risques, mais les règles infantilisantes imposées par la plupart des lieux de sortie nocturne oublient la distinction entre le nécessaire et l’absurde.
3/ S’organiser ensemble sur la base d’une critique tâtonnante mais coriace de nos pratiques.
Spontanément, et parfois même de manière réfléchie, nous nous sommes imposés des limites à ne pas franchir. Ces préceptes répondent à notre crainte de devenir une institution figée, de reproduire des formes d'organisations hiérarchisées, égocentrées et résignées.C'est pourquoi nous visons un fonctionnement où le poids décisionnel de chacun serait à la mesure de son investissement plutôt qu'une structure scindée arbitrairement entre chefs et exécutants, même si le résultat est encore un peu bordélique.
Nous avons aussi toujours (sauf très rares exceptions) tourné, et à tous les niveaux, à partir du bénévolat. Pourtant il nous faut bien reconnaître qu'au delà d'un fonctionnement collectif bisounours idéalisé, le maintien du projet global a souvent reposé sur une petite poignée de gens devant y passer 50h par semaine. C'est pourquoi nous nous remettons constamment en question, en cherchant encore aujourd'hui de meilleures manières de gérer entre nous le partage des initiatives et des responsabilités.
Nous choisissons également l’anonymat dans nos communications, afin de ne pas réduire toute une équipe à quelques beaux parleurs. Nous refusons d’acheter des encarts publicitaires : si un média veut parler de nous, ce ne sera pas contre de l’argent. Nous ne mettons en place aucun partenariat commercial : nous somme bien embarassés devant la manie contemporaine de mélanger culture et placement de produit, transcendance et insignifiance, évènement-trop-cool et marque de boisson énergisante. Tout ça présenté comme inéluctable, puisque “il faut bien prendre l’argent là où il est”.
Nous sommes conscients d’à peine effleurer les raisons qui nous poussent à être si têtus. Creuser ces questions devra aussi faire partie du futur de GZ, car on se rend bien compte qu’au bout de 9 ans nous risquons de nous encrouter à notre façon.
Grrrnd Zero, comme d’autres lieux le font ailleurs, cherche donc encore sa place dans les interstices de la vision purement gestionnaire de la politique, où toute orientation concernant l’organisation de la vie publique devrait toujours être décidée par des Experts. Chemin faisant, nous avons traversé plusieurs phases : squat, obtention de lieux appartenant aux pouvoirs publics, refus de quitter des locaux laborieusement gagnés et aménagés, négociations avec les services municipaux, collaborations avec d’autres équipements culturels.
En cette rentrée 2013, où en sommes-nous?
Présent
En bout de course d'un scénario tragicomique, jalonné de tentatives de nous faire partir prématurément, nous avons fini par quitter le 40 rue Pré Gaudry, base principale de GZ pendant six ans sur le fil d'une convention d'occupation éternellement temporaire.
L'immeuble, ainsi que tout le quartier, est livré par le Grand Lyon à l'aménageur privé la SERL, chargé de mettre en application le plan de la "Zone d'Aménagement Concertée" dite des Girondins. On imagine déjà du propre, de l’agréable et du bien rangé. En condition impérative à notre départ du précédent lieu, nous avons négocié avec la municipalité la mise à disposition d'un autre bâtiment inutilisé, appartenant lui aussi au Grand Lyon. Un espace vide pour le moment inexploitable qui aurait pu a priori sonner comme un déclassement On passe effectivement d'un lieu retapé pendant des années à une friche sans électricité, sans eau, et même, euh, sans murs.
Nous avons évidemment refusé de troquer une situation de fragilité contre une autre, et avons convenu avec la mairie de Lyon que les travaux de remise en l'état du nouveau lieu soient en grande partie financés par elle, tandis que notre collectif assurera tous les choix, le suivi et une partie de la réalisation des travaux. Il ne s'agit pas de nous construire un parcours de golf indoor 46 trous sur un budget extensible à l'infini, mais simplement d'avoir de l'eau, de l'élec, des murs, et un toit qui ne s'effondre sur personne.
Précipice
L’obtention de cet accord concrétise des années d’engagement et de rapport de force. Nous allons donc occuper le 60 avenue de Bohlen, à Vaulx-en-Velin, pour les 5 prochaines années. Top 5 Bohlen, une destination surprise pour vacances souveraines :
- 500m2 de bureaux, 1500m2 de hangar et plein de verdure entre.
- desservi par les transports en commun (14 minutes en métro d’Hotel de Ville, 20 de Saxe Gambetta).
- a priori peu de soucis de nuisances sonores dans le voisinage immédiat.
- pas de loyer, et donc possibilité de maintenir nos conditions d'accueil Soleil-Sourire.
- l’espace est brut, donc transformable et adaptable à nos envies. Nous avons cinq ans pour développer une bonne salle de concert, mais aussi pourquoi pas un cinéma, une cantine, un théâtre, un studio d’enregistrement, un complexe bricolage-réparation-hacking, une école DIY, une imprimerie 2D/3D, un sauna en zéro-gravité, etc.
Devant nous s'ouvrent donc une dizaine de mois de maturation et de travaux intensifs, pour que notre future base serve de parapluie existentiel à toujours plus de monde. Pour l’instant, le projet est à un stade embryonnaire et il est difficile de dire précisément si on aura besoin de quatre plombiers ou de 500 jardiniers amateurs, et à quel jour exact. On pense sortir une jolie frise théorique bientôt.
Ce qui est sûr c’est qu’on aura besoin de dons, que ce soit d’outils, de matériaux, de mobilier, etc. On organisera des collectes à grande échelle, la liste des besoins et modalités à voir sous peu. Et puis ce chantier connaîtra de grandes phases de sueur collective où on pourra se regrouper à coup de barbecue, avec plein de monde en train d’aider à peindre, désherber, monter des murs ou creuser un abri antiatomique.
Rejoins la cause
Tu sais tenir un rouleau de scotch sans te blesser ? Tu connais la Loi ? Tu sais y faire niveau budget, administration, assurance, permis et licences en tout genre ? Tu t’y connais en plomberie, électricité, isolation, menuiserie, maçonnerie, ou métallurgie ? Tu as des bons plans récup ? Tu t’y connais en lumières, en sonorisation et en câblasse ? Tu sais tenir une caméra et un micro ? Tu aimes cuisiner ? Tu dessines ? Tu sais écrire, gérer un site web ? Tu sais parler plein de langues? Tu sais faire des cocktails cheap ?
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