Homelife fait partie pour moi de ces groupes, si accidentellement marquants qu’ils en sont charmants, tellement incongrus à leur façon qu’on pourrait prendre ça pour de la fadeur, si près malgré eux de l’oubli et de l’anodin qu'on aurait envie de les porter aux nues. Victime de paradoxes en quelque sorte, qui font leur insouciance et leur beauté.
Un peu comme ce « Flying Wonders » qui semble rebondir dans l’écho d’une bonne idée sans en sortir, comme coincé dans une bulle de savon hermétique.
Pourtant le projet Homelife ne manque de rien. Originaire d’un peu partout mais quand même pas mal de Manchester, ce collectif pop-bizarre-fanfare polymorphe synthétise l’ensemble des éléments indispensables au succès : beaucoup de musiciens-copains, des costumes, une approche cacophonique mais mélodique, une chanteuse asiatique en robe, des lieux de répétions conceptuels, de la nonchalance, de la barbe et un lancé de clochette souple et ample (peu de traces visuelles du groupe, je n’ai pas pu trouver d’autres illustrations que cette bande-annonce datant de Chalon 2003).
Derrière la grosse quinzaine de collaborateurs évoluant derrière Homelife, une tête semble quand même y faire figure d’aimant, ou de liant, le multi-instrumentiste Paddy Steer* qui instigua la formation du collectif en 1997. Après deux albums autoproduits sur l’héritage de sa grand-mère (moment émotion storytelling), ils signent sur Ninjatune et produisent deux albums étonnants, « Flying Wonders » et « Guru Man Hubcap Lady ».
Limités par la distance et le nombre de musiciens, les membres n’enregistrent jamais tous ensemble, c’est principalement Paddy Steer qui compose les morceaux par collages. C’est peut-être ce qui donne finalement au collectif cette sorte de cohérence indolente, faite de bricolages et superpositions groovy qui semblent s’étirer à l’infini, sans pour autant s’inscrire dans le présent, comme bloqués dans une désuétude cotonneuse et attendrissante. Un peu comme la BO d’un film en stop-motion où un vieux banjo en pâte à modeler essaierait de danser le mambo, coincé entre ses aspirations à des rythmes chaloupés et la tension de ses cordes.
Ça ne veut rien dire mais c’est un peu l’idée. Dès lors il ne reste qu’une mélancolie légère et onirique, qui donne envie d’un petit déjeuner au lit.
Ce qui donne des choses très jolies comme des ballades à la poursuite de l’être aimé :
Mais aussi des contemplations perplexes au fond de son thé :
Avec des attentes de tramway un soir orageux :
Mais la plupart du temps leur folie surnage dans un fond de sauce aigre-douce :
Et généralement ça bouge des fesses avec dignité :
(* Après avoir fait pleins de trucs avec plein de gens, Paddy Steer (à gauche sur la photo) s'est lancé récemment dans l'exercice périlleux du projet solo et c’est plutôt rigolo, avec des loupiottes et des masques.)