illustration : john vassos
Suite à de nombreuses empoignades autour du bien fondé ou non de certaines métaphores employées dans certains de mes posts, et après avoir dû subir une fois de plus de multiples moqueries à propos de mon penchant pour le romantisme venteux et les étendues sauvages, j’ai pris la décision d’écrire ce texte uniquement avec des mots et expressions « labélisés » par le site du Grrrnd. Comme ça, j’espère passer la censure et devenir enfin célèbre.
Amitié ou Amour / psychédélisme / minimalisme / tropical / musique africaine / DIY / divers animaux / divers fruits et légumes / crust / seul / barbu / mal coiffé / communion / oui oui / dépressif ou plaintif / déviants / régression / diverses drogues / cavalcade / chamane / arbre ou forêt / enfant / bruits / Lightning Bolt / lo-fi / Dieu + Jésus / ninja-marxistes / hippie / primitif / diverses allusions au corps /
Février 1981. Au lieu de passer ses vacances à réfléchir sur le sens du sacrifice de Jésus, Robert Wyatt décide de répondre positivement à une commande de la RAI, et de passer quelques jours dans les studios de la radio italienne pour l’émission Un Certo Discorso et d’y enregistrer des trucs selon son humeur et la quantité de résidus de drogues encore collés dans sa barbe depuis Soft Machine.
L’idée de la RAI était de filmer et de capter le processus de création, lorsqu’il ne souffre ni de préparations ni de contraintes de production, et de célébrer ainsi une sorte de communion mêlant fulgurance, voyeurisme et snobisme. Une partie de la session de Wyatt est ressortie l’hiver dernier, sous le nom de Radio Experiment Rome. Comme un ours sortant de son hibernation, Wyatt y improvise tout seul, avec sa voix, une guimbarde, un piano et quelques percussions primitives. Au-delà du côté on-réchauffe-un-mythe-en-
Armé des différentes machines obscures qui peuplent un studio de radio, Wyatt s'amuse à explorer les principes de l’enregistrement multipiste, de la diffraction vocale et de la modulation en général. Il étire ainsi un son à la fois régressif, pour son côté minimaliste faussement enfantin, et très complexe, selon tout un jeu d’échos et de désynchronisation sonore. C’est souvent très bizarre, parfois austère (Billie’s Bounce), mais le plus souvent très inspiré. Mixant sa voix comme des fruits frais, c'est-à-dire en préservant le goût et le piquant des vitamines, il s'élève en héros plaintif d'une époque où Mandela faisait encore des pompes en prison (Born Again Cretin) et où Tatcher interdisait à ses concitoyens de chanter l'Internationale sous la douche (Holy War).
Mais Robert Wyatt n'est pas qu'un ninja-marxiste, ou un vieil hippie mal coiffé vestige du psychédélisme des années 60, c'est un chamane postmoderne, un conteur mystique, capable en une succession de humhumhum de planter un décor massif, noueux et tortueux comme une mangrove urbaine, qui aurait surgit soudainement au cœur d’une Venise désertée, où les quelques maisons encore habitées dériveraient doucement, à la merci de la plus sourde mélancolie (désolé pour cet élan, mais on ne peut pas brider le lyrisme au fond d’un cœur trop souvent mal arrosé).
Écoute Prove Sparse et sens l’émotion déborder de ta bouche bée.
Petit rappel : Robert Wyatt n’est pas punk, il ne connait surement pas le mot crust, il ne doit pas aimer Lightning Bolt, et n’a que peu de connexions avec la musique africaine et le culte de l’homme-primitif. Si tu t’apprêtes à cliquer mécaniquement sur les mp3 ci-dessous après avoir lu en diagonale ce post et en croyant télécharger un truc lo-fi/D.I.Y./noise, tu risques d’être surpris.